"ça commence aujourd'hui", Bertrand Tavernier dans le Nord
Tavernier dans le Nord, c'est "Ça commence aujourd'hui". A sa sortie en 1999, le film est pointé du doigt : pour certains, le réalisateur montre dans un film une réalité de notre région en exagérant le misérabilisme, l'alcoolisme, la précarité, les ravages de la désindustrialisation.... alors que pour d'autres, il s'agit d'une oeuvre poétique et optimiste montrant la résurgence de problèmes sociaux "à la Dickens" avec pour chevalier blanc, Philippe Torreton, toujours impeccable, en instituteur idéal. Le film sort dans un contexte particulier : Claude Allègre est alors le ministre de l'Education nationale du Premier Ministre Jospin sous la première présidence Chirac. Le ministre est alors en conflit syndical ouvert avec les enseignants lorsqu'il a déclaré que l'Education nationale est ""un mammouth qu'il faut dégraisser"". Il n'en faut pas plus au personnel de l'Education nationale d'utiliser le brûlot de Tavernier pour pointer du doigt l'absence d'enseignants dans les quartiers difficiles, la pléthore de réformes, la langue de bois ministériel et le mépris du locataire de la rue de Grenelle. 20 ans plus tard, "Ça commence aujourd'hui" est toujours d'actualité dans une France à l'abandon, des quartiers difficiles, des régions en friche avec un ministre de l'éducation avide de réformes inutiles n'ayant aucune remise en question et qui ne respecte pas ses enseignants... Tavernier, reviens !
Extrait du livre "Moteur, ça tourne", éditions La Voix du Nord, 2017 :
"" Le réalisateur lyonnais Bertrand Tavernier pose ses caméras à Anzin en 1999 pour une œuvre poignante et humaniste, sobrement intitulé « ça commence aujourd'hui », mettant ainsi en garde les spectateurs que le désespoir est sous nos yeux et qu'il faut réagir avant qu'il ne soit trop tard : le cinéma comme révélateur de nos sociétés et le Nord pour témoin... Le discours est clair, les situations à l'écran sont chocs et font réfléchir : c'est par l'école que la société française peut se relever, c'est sa jeunesse qui peut trouver la solution, encore faut-il en donner les moyens. Le sonneur de tocsin, c'est Philippe Torreton interprétant un directeur d'école, convaincant, altruiste, choqué mais jamais dépassé. Il est l'âme du film. Sa gouaille, c'est nous ! Lantier de l'éducation, il n'est pas fataliste et chaque matin, à son poste, il est l'école républicaine personnifiée ! Tiraillé entre l'institution aveugle et dépassée, jonglant avec les parents d'élèves abandonnés par l'économie, déambulant dans des villes en plein naufrage, Torreton tient l'écran, vocifère, tempête et hurle la détresse. Tavernier filme en gros plan, multiplie les vues sur les visages, les yeux, les pleurs. Sa caméra sensible interpelle le spectateur. C'est le choc d'une France qui a abandonné son école dans des régions en détresse. Proche du documentaire dans sa thématique et la façon de filmer, « ça commence aujourd'hui » bouscule le spectateur. Lors du tournage, Tavernier fait appel à la population locale et choisit de tourner dans un vrai établissement scolaire, sans faire de casting. L'équipe, plutôt réduite pour un long métrage, s'installe de longues semaines dans l'école maternelle de Hernaing, près de Valenciennes. Il y a aussi de très nombreuses villes du secteur, comme Anzin. De nombreux figurants interprètent quasiment leur propre rôle à l'écran. Tavernier promène sa caméra comme s'il s'agissait d'un documentaire. On filme les regards, la douleur de ces situation difficiles et bien réelles dans un valenciennois sinistré. Lors de sa sortie, le ministre de l'éducation, interpellé, réagit. C'est Claude Allégre, théoricien du dégraissage de mammouth qui cherchait – déjà – à supprimer les postes d'enseignants. Ce dernier dénonce surtout le misérabilisme que dégage le film, son exagération des situations.""
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