Jean Douchet, un incontournable peu connu du cinéma


Le 10 novembre, l'édition arrageoise de La Voix du Nord met à l'honneur Jean Douchet à l'occasion du festival du cinéma d'Arras. Très peu connu, notre homme, natif de la Préfecture du Pas-de-Calais est pourtant une figure française de la cinéphilie... Retour sur son parcours avec la reproduction de cet article de Fabien Bidaud.

Jean Douchet, l’immense voix qui donne à voir le cinéma. Inconnu du grand public, le natif d’Arras est une figure incontournable du 7e art. Ancien des Cahiers, ami de Godard et Rohmer, inventeur du Ciné-club, il a élevé la critique au rang d’art. Sa ville lui rend hommage ce samedi. Par quel flanc aborder le monument, car c’en est un ? La fin, tiens. Jean Douchet aura 89 ans en janvier, un âge où l’on pense à la mort. Lui fait-elle peur ? Nenni, jure-t-il. «  Je considère qu’elle fait partie de la vie, point  », s’amuse-t-il dans l’excellent documentaire que lui ont consacré trois jeunes cinéphiles, Jean Douchet, l’enfant agité, projeté ce samedi à l’Arras Film Festival (courez-y !). La Grande Faucheuse, Douchet préfère la contourner par la finesse de son humour. « Tenez, vous pouvez écrire les derniers mots que j’aimerais avoir : Tiens, voilà autre chose ! », se marre-t-il au téléphone depuis son domicile parisien. Douchet attend l’après avec sérénité : il a brûlé la vie par les deux bouts. «  C’est vrai, convient cet indécrottable épicurien, j’ai sans doute plus de talent pour la vie que la moyenne des gens !  » Dans un scénario idéal, le journaliste de La Voix du Nord qui l’interroge, un peu chauvin, aurait aimé qu’il lui déclame son amour pour sa ville de naissance. Raté. Douchet n’est pas du genre à cultiver ses racines arrageoises. Il n’y revient presque jamais. «  J’étais quand même fier de cette ville, raconte celui qui y a vu le jour en 1929. Je n’étais pas du bassin minier : Arras, c’était plus smart.  » Ajoutant, avec malice : «  C’est une belle ville, mais pendant trois heures. Après, il faut partir.  » C’est ce qu’il a fait, gagnant Paris à l’adolescence. Il y assouvit sa passion pour l’art, le théâtre, le cinéma, «  alors que mes parents n’étaient pas du tout là-dedans  ». À 20 ans, il devient ami avec Godard, Truffaut, Rohmer, les futurs piliers de la Nouvelles Vague. «  On allait au cinéma ensemble, on était des copains !  » La passion est inarrétable. Il reprend avec Rohmer les Cahiers du Cinéma dans les années 1950, puis invente une activité qui le mènera dans le monde entier : l’analyse filmique après la séance. Avec le Ciné-club, Douchet, qui a le verbe agile, élève la critique au rang d’art. «  Elle n’est pas faite pour dire du mal, elle participe à la création.  » Ses admirateurs – dont les élèves qu’il a eus à la Fémis – sont légion. Sa définition du cinéma ? «  C’est un art et un art, ça se découvre dans l’écriture. Il convient de dire les choses mais de ne pas exhiber la forme ; elle n’a pas à faire son intéressante.  » En creusant, Douchet se souvient qu’Arras a eu de l’importance. «  J’y ai fait une année de philosophie. Mon prof avait créé un ciné-club et il m’a donné l’opportunité de diriger mon premier débat. C’est aussi ici que j’ai écrit ma première critique, dans Le Courrier du Pas-de-Calais. C’est à Arras que j’ai dépassé la simple fonction de spectateur.  »

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