Le cinéma paroissial de Montigny-en-Gohelle à travers les souvenirs du curé de la ville

Voici des extraits de l’ouvrage du Père Lucien Bello : « Pierre et Jean courent au Sépulcre », publié en septembre 2000, et édité à compte d’auteur. Le Père Bello y raconte notamment sa gestion d'une salle de cinéma paroissial à Montigny-en-Gohelle, le Familia, dont le bâtiment est toujours intact :
Le Père Lucien Bello raconte sa première visite à Montigny-en-Gohelle lors de sa nomination, avec une anecdote liée à une affiche de cinéma : « Un chanoine du Chapitre le Père Bourdrel, qui avait longtemps été curé d’Oignies, me dit qu’il connaissait Montigny… ayant envie sans tarder de situer Montigny dans la région de Lens, près d’Hénin-Liétard, je lui propose de venir avec moi dans ma 2CV, pour un premier coup d’œil tout extérieur. Tout au long de la route, il m’explique que c’est « Montigny-la-Rouge », qu’on y a dynamité l’église et le calvaire, que les gens de Montigny sont comme des sauvages à évangéliser…il me fait dresser les cheveux sur la tête, car je me demande ce qui m’attend ! Nous arrivons. Mon cœur bat à la vue des corons tristes et noirs. Près de l’église, il y a la salle paroissiale et la cour avec les salles de catéchisme. Au-dessus de la grille d’entrée, il y a une grande affiche de cinéma. Je lis avec terreur le titre du film de la semaine : « Le gorille vous salue bien ! ».
« La paroisse accomplit ses tâches habituelles, mais on a le souci de faire se rencontrer les deux blocs [ les citoyens chrétiens et les communistes de Montigny ] jadis si séparés. Il y a à Montigny un cinéma, le seul du pays, une grande et belle salle de 1200 places ( dont 600 au rez-de-chaussée ) construite jadis par les Mines de Dourges. Elle est même la plus grande salle des fêtes construite par les Houillères du Nord-Pas-de-Calais, pour le service des paroisses… L’église ( 180 places ) avait été « ratée » lors de sa reconstruction, après la guerre [ la première ] : elle a la même capacité que celle du petit village d’origine ! Les Mines ont voulu donner une sorte de compensation, en bâtissant cette immense salle pour que la paroisse puisse en faire un outil de contact et de rapprochement. A l’origine, il y avait à l’étage un « ouvroir » où les jeunes filles apprenaient à coudre et, en bas, il y avait un « cercle », un Patronage, un Théâtre…Depuis la guerre, on y avait installé un cinéma commercial, en 35 mm. Il était programmé par l’O.T.C.F. qui regroupait alors les cinémas dépendant des paroisses. Cette salle avait besoin d’une complète rénovation… et j’ai constaté qu’un homme seul s’en occupait, fort dévoué. Il était à la fois responsable, comptable et directeur, et, comme toujours dans ces cas-là, il suscitait quelques jalousies. J’ai tout de suite réuni l’ensemble de la paroisse pour que l’on mette en place un comité de gestion. Je me suis évertué à donner à tout ce monde bénévole un esprit non pas de « commerce », mais un esprit « apostolique » ( toutes proportions gardées )… C’est un fait qu’étant le seul lieu de rencontre du pays, le « Familial » devait devenir une passerelle entre les deux communautés, et, comme « on ne prend pas les mouches avec du vinaigre », j’ai poussé à une rénovation dans les règles de l’art, confiée à l’O.T.C.F.
En plus, comme l’entrée était minable, on a construit un hall d’accès, avec bar d’entracte, du plus bel effet ( nous disposions d’une Licence IV ). Ce fut une réussite, qui a permis beaucoup de contacts et d’amitié entre les Montignynois… et aussi de substantiels bénéfices, réinvestis dans la pastorale !
P. 134 – 135 : « Comme beaucoup de prêtres de l’ancienne génération, j’avais « adoré » ( façon de parler ) ce moyen de regroupement et de contact qu’était le cinéma ( avant que la télévision n’arrive dans les foyers ) et j’ai été amené à « brûler ce que j’avais adoré » […] Outre l’énorme salle de cinéma « Le Familial » dont j’ai déjà parlé, et qui était « le gros morceau » de l’ensemble, il y avait les salles de catéchisme et de réunions avec leurs sanitaires, le « Chalet » avec sa cuisine tout équipée, une grande cour, et les deux presbytères, celui de l’abbé François Caron et le mien… Des laïcs bénévoles, sérieux et d’un dévouement à toute épreuve, avaient formé une bonne équipe depuis longtemps et s’étaient constitués en Association Loi de 1901, sous le nom des « bons diables »… Ils géraient tout cet ensemble avec autonomie : moi, j’étais toujours le « prêtre accompagnateur », assurant la coordination, la bonne entente, et signifiant le but pastoral de toute ces activités : cinéma, bar, confiserie, locations du chalet, Kermesse annuelle. Avec la récession, cet énorme patrimoine allait connaître un sort nouveau… Nous étions déjà par contrat locataires de l’ensemble, mais les Houillères, et cela se comprend, souhaitaient s’en débarrasser… L’équipe de gestion comprit que l’heure était venue de tourner la page… Le mode de présence de l’Eglise n’était plus celui de 50 ans en arrière… un seul presbytère suffirait à notre bonheur, l’immeuble du « Familial » pouvait devenir lui, un centre culturel pour la ville, la cour étant partagée en deux par un mur de séparation. Pour stocker tout son matériel, jusque-là dans les caves du cinéma, on décida de mettre en place, dans la cour, une batterie de garages. »
Ces extraits sont riches d'enseignement pour évoquer le cinéma paroissial, à travers les mémoires d'un prètre qui a géré consciencieusement une salle de cinéma.
De plus, concernant cette salle, on peut également apporter de nouvelles précisions, notamment grâce au travail de recherche de l'inévitable Jean-Marie Prévost. Ce dernier nous apprend que le responsable était M. Liegeois, assisté de sa femme qui à repris la succession lors de la mort de celui-ci. Le dernier comptable avant la fermeture était M. Jean Copin qui habite toujours Montigny. Lors de la fermeture de la salle, le matériel de cabine fut vendu au cinéma Concorde de Noyelles-Godault avant sa transformation. L'autre appareil a été vendu à un collectionneur, M. Hurier de Brasles qui fait un recensement des anciennes salles de l'Aisne et qui est collectionneur de matériel cinéma. Encore merci à Jean-Marie Prévost !!
Bonjour Olivier !
RépondreSupprimerBon souvenir du cinéma Familial de Montigny-en Gohelle, je me souviens de la projection de King-Kong et les larmes versées...
Ensuite de cette ville, les étangs, avec les épénoches, les tritons, salamandres, sangsues, tétards crapauds etc la vie sauvage gargouillait...
Les corrons, les enfants jouaient dehors tout noirs lol...
Hénin Beaumont, les trois cinémas, le Caméo, le Capitol, l'Appolo, j'ai bien fréquenté...
Tout est trop urbanisé maintenant...
Bonne idée ce blog
Merci
Cordialement, Corinne Bizart
Je me souviens de ma tante qui servait au bar du cinéma c’était Berthe Liegiois et Jacques Bossu aux tickets et Marcel aux bonbons et un couple dont la femme contrôlé les tickets entre les 2 portes et son mari surnommé "DIESEL"contrôlé a l’intérieur de la salle tout ça dans les années 70 .
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