Familia et Electra-Ciné d'Hesdin

Hesdin a possédé en ses murs deux grandes salles de cinéma : l’Electra-Ciné, aujourd’hui disparue et le Familia, actuel supermarché de centre-ville, qui ont fait la joie de toute la population locale, mais aussi des environs proches. Ces deux cinémas ont commencé à fonctionner en même temps.
La première grande salle de cinéma d’Hesdin est l’Electra-Ciné, équipé au format 16 mm. Dans ce grand bâtiment, ancienne tannerie, il existait deux salles : un immense dancing au rez-de-chaussée où l’on venait se trémousser jusqu’à en perdre le souffle, et à l’étage, une belle salle de cinéma tenue par un homme d’Eglise : l’Abbé Papillon, pour ses œuvres. Originaire de Valloires, l’ Abbé Papillon, est alors une figure locale, dépensant une énergie folle pour ses ouailles, ayant l’habitude de traverser le canton à moto. La salle a néanmoins de gros problèmes : elle souffre du bruit du dancing situé en dessous et la cabine, située au-dessus de la Canche qui traverse Hesdin, subit continuellement de gros problèmes d’humidité et cela se répercute sur le son sautillant. De plus, l’Electra-Ciné connaît de gros risques d’incendie puisque le bois est omni-présent dans cette salle avec notamment un beau parquet en sapin craquelant.
Le projectionniste, qui aide l’Abbé Papillon, se nomme Gilbert Bayard. Ce dernier a appris la projection au cinéma Cyrano à Auchy-les-Hesdin, également tenu par l’abbé Papillon. C’est dans ce cinéma qu’il commence à travailler avec M. Isambourg, opérateur principal, en 35 mm et 16 mm. A chaque séance, Gilbert fait les 4 km à vélo pour rejoindre son travail. C’est dans cette salle de l’Electra que Gilbert va rencontrer celle qui deviendra son épouse, Ginette Wacquet, ouvreuse-placeuse à la porte de la salle, ramassant les tickets. Ils se marient en 1949 par l’inévitable Abbé Papillon. En ce beau dimanche de jour de mariage, il y a cependant une séance à 15 heures. Après le repas dans la salle du dancing, le travail est repris tout de suite, puisque Gilbert doit s’occuper de la projection du film américain « L’œuf et moi »,… Infatigable, l’Abbé Papillon gère deux salles en même temps et fait la navette pour apporter les bobines entre sa salle de l’Electra et celle de Gouy-Saint-André. Il s’occupe aussi de la salle de Crécy, devenue aujourd’hui la Maison des Associations et celle de Quend-Plage. Cependant, l’Electra-Ciné finit par fermer quelques années après la guerre pour d’évidentes raisons de sécurité.
L’autre grande salle de cinéma d’Hesdin est le Familia, une ancienne faïencerie, situé 10 place Garbé, près de la Poste. La salle existe depuis le début des années trente. A l’époque, géré par M. Duvauchelle également exploitant d’une salle à Saint-Pol-sur-Ternoise place du général Leclerc, le Familia peut accueillir près de 650 spectateurs. Pendant la seconde guerre mondiale, M. Duvauchelle continue de s’occuper du cinéma, malgré le peu de séance. Les allemands s’en servent souvent aussi pour des films de propagande. Serge Leclerc est alors l’opérateur de la salle. Mais rapidement, elle est reprise lors de la Libération par M. et Mme Robert Durot d’Albert dans la Somme, directeurs jusqu’à la fermeture de la salle bien des années plus tard. Gilbert Bayard, qui travaille alors à l’Electra-Ciné, devient désormais le nouveau projectionniste de la salle. Des travaux de rénovation sont tout de suite entrepris pour améliorer la qualité du spectacle. Gilbert Bayard continue les séances malgré ces travaux et les échafaudages pour le plafond. Il faut alors jouer avec le faisceau lumineux de l’appareil pour une bonne projection du film. Pendant près de 20 ans, avec des vacances quasi-inexistantes, Gilbert Bayard projeta de façon interrompue. Malgré 4000 films en près de 38 ans de service, Gilbert n’a jamais exercé officellement la profession de projectionniste. Il a été tour à tour vendeur de journaux, plombier pendant 20 ans, photographe,…Quand au propriétaire, Gérard Durot, fils de Robert, il a la charge de se rendre à Lille chercher les bobines et il s’occupe de la gestion à la fois du café du cinéma situé a côté de l’entrée de l’immense bâtisse, mais aussi de la gestion de la salle, Gilbert s’occupant seulement de la projection. Outre le cinéma, la salle possède aussi une scène pour proposer des représentations théâtrales, des matchs de boxe ou de catch, mais aussi lors des entractes avec des attractions diverses…
Toute la famille Bayard contribue au bon fonctionnement de cette salle pendant ces très nombreuses années : le père projectionniste, la mère ouvreuse et le fils Hervé, dès l’adolescence, toujours présent pour donner un coup de main dans la cabine ou dans la salle.
Le directeur, le projectionniste, le personnel… ont toujours innové pour proposer du grand spectacle aux habitants d’Hesdin, les faire rêver en adoptant par exemple, après le Cinémascope alors le plus important des environs, le procédé Surround installé par des spécialistes lillois, en avant première, notamment lors des films « Tremblement de terre », « La Bataille de Midway », « Le circuit infernal »... Malheureusement, ce procédé n’a pas plus aux belles assiettes de collection accrochées aux murs de la maison voisine du cinéma. Elles se sont mises naturellement à trembler puis à chuter... Après plusieurs critiques et réprimandes, il a fallu cesser ce son plus vrai que nature.
Le Familia propose deux films par semaine : un film le vendredi soir, un second différent le samedi soir, une séance le dimanche à 15 heures du premier film, parfois 17 heures, et l’autre film ce même dimanche soir avec souvent une autre séance à 23 heures. A partir des années 70, vers 23 heures, le Familia décide de proposer un film X qui attirait souvent plus de monde que les grands films comme « Le Vieux Fusil ». Il y a bien sur des séances supplémentaires les jours de fêtes. Le plus gros succès fut « Le Jour le plus long » qui a tenu 15 jours à l’affiche. Souvent, on refuse même des places… A partir de 1975, plusieurs projectionnistes aident Gilbert dans son travail
D’une capacité de 685 places, le Familia est passé a moins de 400 places avec le changement de sièges et l’acquisition de gros fauteuils en velours ainsi que l’abandon des strapontins pour des raisons de sécurité. Au milieu des années 80, des films publicitaires Jean Mineur sont régulièrement projetés à raison de deux ou trois bobines à chaque séance.
Cependant, la fin est inéluctable malgré la qualité des films proposés qui sortent souvent à Hesdin en « sortie nationale ». Les cassettes vidéo font leur apparition, et naturellement, comme dans tous les cinémas de la région, la fréquentation chute. C’est le 28 août 1988 que la salle a cessé de proposer des films. Mr Durot se résout à fermer sa salle pour prendre une retraite prématurée. Avec peu de spectateurs dans la salle, le dernier film fut accompagné par la chanson culte de circonstance d’Eddy Mitchell : « La Dernière Séance ». La mairie n’apporte aucun soutien dans la poursuite du maintien de l’activité cinématographique dans la ville.
Le bâtiment existe encore aujourd’hui. Il est devenu un petit supermarché Shopi, mais cependant, la structure du bâtiment est quasiment intacte.
Concernant l'abbé Papillon: il est originaire de St-Germain-en-Laye et non Valloires où il a exercé de 1925 à 1957.
RépondreSupprimerVous en saurez plus en allant voir le lien ci-dessous concernant son passé militaire et ses décorations de Légion d'Honneur: http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/leonore_fr
J'ai la photo de sa pierre tombale qui retrace sa vie (ordonnation, Croix de Guerre, etc...) Comment puis-je vous la faire parvenir?
Cordialement.
Françoise GUILLAUME