"La Ch'tite Famille" va-t-elle adopter son public ?

Après avoir été champion du box-office 2017 avec « Raid Dingue », DanyBoon remet le couvert en ce début d'année 2018 avec une volonté affichée de faire la passe de 2 et de refaire, dix ans après "Bienvenue chez les Ch'tis", un raz de marée régional en utilisant la même logique promotionnelle.


Le film se présente comme une comédie familiale bien huilée, essentiellement basée sur le traditionnel dilemme entre l'inné et l'acquis et le lutte incessante entre les convenances socio-professionnelles et le moi profond, ce que l'on est vraiment face à l'image que l'on renvoie de soit, tant dans le milieu professionnel qu'avec son entourage proche. L'enfance et les illusions perdues, l'adolescence et les projections que l'on fait de soit dans le futur sont aussi l'un des ressorts de ce film beaucoup plus personnel qu'il n'y parait lorsqu'on place l'oeuvre au regard de la carrière de son acteur-réalisateur. En effet, le parallèle est facile entre le designer Valentin D. campé par Danyboon et l'humoriste du Nord monté à Paris et qui essaie de se faire un nom en gommant ses origines. Car à travers la vie et le destin de Valentin D, c'est tout simplement la première partie de la vie professionnelle de l'humoriste qui est ici contée. Le personnage qu'interprète l'armentiérois est logiquement son double. Rappelons qu'en parallèle à la préparation et à la réalisation du film, Danyboon entamait une tournée des salles de spectacles et zéniths ou il revenait sur son parcours, un bilan de ses 25 dernières années et ce retour sur soit a été forcement la matrice qui l'a guidé dans ses choix de réalisation. L'humoriste des débuts cachait en effet tant bien que mal ses origines modestes et nordistes avant qu'elles ne deviennent son gagne-pain.
La comédie est honnête, souvent drôle avec de bons acteurs qui font le job, la présence de guests (comme le coucou amical de Kad Mérad) ou un running gag autour de la mobylette (on n'en dira pas plus). On passe un bon et agréable moment mais l'empreinte du film n'a pas le même impact que le mètre-étalon "Bienvenue..."
En effet, en y regardant près et en ayant un autre regard sur le film autour de la région, de son histoire, de ses habitants et de ses valeurs, le film est beaucoup plus bancal qu'il n'y parait et la comparaison inévitable avec son auguste devancière qui fête sa première décennie d'existence ("Bienvenue..." of course) est à l'avantage de l’aîné, loin devant... 
Premièrement, et c'est le plus regrettable pour une comédie, le ressort comique ne repose que sur une situation simple et unique qui finit peu à peu par lasser. Le comique n'est basé uniquement que sur la langue ch'ti, son accent, ses locutions, sa construction et ses intonations, son vocabulaire et son phrasé. On ne retient que cela. Alors que « Bienvenue... » jouait sur différents tableaux comme le climat, l'accueil des gens du Nord, la cuisine, et ce que les français avaient comme lieux communs autour du Nord et du Pas-de-Calais, on ne retrouve ici que la langue ch'ti comme seul et unique fil directeur comique... Certes, c'est un gage de quiproquos auditifs et d'amusement autour de la prononciation de certains mots (gag déjà utilisé d'ailleurs dans "Bienvenue...") mais la bande annonce montre déjà clairement les limites de cet effet (alors, imaginez sur 90 minutes de film !) De plus, même si l'ensemble du casting affiche clairement les couleurs régionales, il est évident que la prononciation de certains mots du patois n'est pas facile pour certains acteurs qui forcent les tics de langage, frôlant ainsi la caricature. Les réactions des spectateurs interrogés après avoir vus le film pointent du doigt ce désagrément et ne s'y retrouvent pas !
Deuxièmement, alors que "Bienvenue..." destructurait justement les lieux communs et poncifs afin de mieux les combattre et d'en créer de nouveaux (voir fiche de "Bienvenue" sur ce blog : https://cinemasdunord.blogspot.fr/2010/11/bienvenue-chez-les-chtis-un-nord-de.html), on n'est ici en présence de multiples poncifs et de lieux communs que ne renieraient pas les émissions de télé-réalité mettant en scène des habitants de la région très caricaturaux. On ne les destructure pas pour les caricaturer dans "La ch'tite famille", on joue avec et on s'en moque, ce qui est plus grave. Certes, on cherche honnêtement à montrer la rédemption du personnage principal mais le couple Lecluyse / Bonneton appuie à l'extrême sur l'archétype du personnage ch'ti. Le frère joué par Guy Lecluyse est porté sur la boisson et (forcément) fan de tuning. Le papa Pierre Richard est bourru et replié sur lui-même, la nièce a un prénom tiré d'une série américaine, la maman Line Renaud est possessive, le niveau culturel de la famille se rapproche davantage des spots de pub que de l'opéra et son niveau social est limité avec une famille vivant dans une caravane, sous le seuil de pauvreté, à la recherche d'argent. On est loin du brave fonctionnaire de la Poste !
Troisièmement, pour les amoureux de la région à la recherche de belles images, ce que montrait « Bienvenue... » avec notamment Bollaert, la cité des Électriciens, les plages, le Vieux Lille,... il peut passer son chemin. Car ici il n'en n'est rien ! Le film est essentiellement centré sur un Paris du milieu économico-culturello-branchouille, des beaux quartiers et des bureaux d'un designer. On ne distingue aucunement un paysage typique de la région, à part quelques plans très brefs de la campagne d'Oudezeele, là où quelques scènes ont été filmées à l'été 2017. Aucune scène véritablement estampillée made in Nord. La Ch'tite famille n'a de ch'ti que les poncifs mentionnés au précédent paragraphe ainsi que la langue moteur des principales scènes de comédie. Retirez le patois et les lieux communs et la Ch'tite famille aurait pu être normande ou savoyarde !
Quatrièmement, on regrettera l'absence sur l'écran de Pierre Richard. Ses apparitions sont rares. Ce dernier est avec Line Renaud, l'un des éléments forts de l'affiche puisque pour la première fois, le casting principal est composé de comédiens du département du Nord : DanyBoon d'Armentières, Line Renaud de Nieppe, Pierre Richard de Valenciennes, Guy Lecluyse de Tourcoing et Valérie Bonneton de Somain On guette les moments d'apparition à l'écran de Pierre Richard. On cherche les moments de gaieté et de folie du grand acteur comique des années 1970 et 80. C'est la première fois que Pierre Richard originaire de Valenciennes interprète un personnage de la région et c'est la première fois qu'il parle avec l'accent. Mais sa présence, trop rare sur l'écran, est sous-exploité. On aurait aimé davantage de numéros d'acteur et de confrontation des deux comiques avec un choc des générations. Quelques plans de Pierre Richard et puis s'en va... 
Reste un film qui marquera certainement l'année 2018 en terme de chiffres et d'entrées mais qui n'aura pas le retentissement de "Bienvenue..."


Commentaires

  1. Je conseille ici de regarder des films en bonne qualité https://papystreaming.wiki/ J'ai personnellement beaucoup aimé le site en général

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