Un article sur l'ancien opérateur du Printania de Harnes
Ce 25 août, Robert Catteau et Christophe Declercq nous proposent deux articles dans l'édition lensoise de La Voix du Nord consacrés au cinéma Printania de Harnes, notamment sur Jean Michalak, ancien opérateur de cette salle qui raconte ses souvenirs. Les voici ci-dessous :
Le Printania, le cinéma où l’on dansait à l’entracte
L’annuaire
professionnel du cinéma daté de 1962 indique qu’il existait à
Harnes trois salles de
cinéma pour distraire la population.
À
une époque où la télévision ne présentait qu’une seule chaîne
en noir et blanc, avant l’arrivée d’Antenne 2 en 1964, puis de
la couleur en 1968. Les sorties se partageaient entre bals
populaires, fêtes extérieures, repas entre proches, rencontres au
café du coin et surtout le cinéma pour s’évader du bassin minier
via des films d’aventure ou policiers.
À
Harnes, en totalisant le nombre de fauteuils, la capacité d’accueil
du public s’élevait à 2 300 places. L’Apollo, aujourd’hui
devenu cinéma Le Prévert, près de la Grand-Place, contenait 893
places à cette époque, la salle du Novéac, située rue Virel, 425
places et le Printania, 1 000 places, avec une situation rue
Charles-Debarge au cœur de la grande cité minière de la fosse 21.
Ce
qui attirait surtout les jeunes gens au Printania, c’était la
possibilité offerte au spectateur, de profiter de l’entracte, ou
du temps mort entre les deux séances du dimanche, pour échanger
quelques pas de danse au bar-dancing voisin. Du coup, les idylles
étaient nombreuses sur le site.
Après
les années 70, les jeunes spectateurs ont déserté ce lieu
emblématique, attirés par les petites salles multiples installées
dans les grandes villes. Le Printania a fermé ses portes en 1972
pour laisser place à une petite surface alimentaire, puis à un
boulodrome, pour se muter en stand de tir, en dépôt pour les
coulonneux, et finir en club de javelot. La salle obscure est
maintenant fermée pour des raisons de sécurité. Le café attenant
reste le seul témoin de ce véritable lieu de rencontres, qui a
connu la fréquentation de plusieurs générations harnésiennes.
Dans sa cabine de projectionniste, Jean Michalak était le maître des bobines 35mm
Lorsque
Jean Michalak évoque son métier d’opérateur de cinéma, qu’il
a surtout exercé au Printania avec ses 1 000 fauteuils, ses
yeux s’allument, le sourire et les souvenirs lui reviennent. Grâce
à lui d’une certaine manière, de nombreux couples se sont formés
dans la salle obscure.
À
l’époque, dans les années 60, on ne disait pas
« projectionniste » mais premier ou second « opérateur
de cinéma ». Car, dans ce métier, il fallait être polyvalent
et travailler en duo pour enchaîner
les sept à dix bobines que pouvait compter chaque long-métrage.
Il y a avait aussi les actualités à diffuser, le documentaire voire
les dessins animés pour laisser le temps aux retardataires de
revenir à leur fauteuil.
Pendant
31 ans, pour les séances de 20 h du mercredi, du samedi et du
dimanche, et celle de l’après-midi dominical (16 h), Jean
Michalak a ainsi monté des
centaines de milliers de bobines 35 mm.
Au Printania, à l’Apollo, à Harnes mais aussi au Cantin de Lens
ou encore autour de Baden-Baden où il a fait son service militaire.
Grâce à son savoir-faire, le jeune homme a d’ailleurs été
dispensé des grandes manœuvres. « On
arrivait,
raconte-t-il, deux
heures avant la séance pour rembobiner les films à la main, parfois
recoller la pellicule cassée et y marquer nos repères. »
Ainsi
pendant la séance, à la fin d’une bobine, le second opérateur
savait précisément quand il devait lancer la bobine suivante sur
l’autre projecteur argentique, et ainsi libérer son collègue pour
qu’il puisse préparer celle d’après. « Pour
un long film comme Le
Pont de la rivière Kwaï par
exemple, on travaillait sans même se regarder ni se parler. » Sur
le grand écran, les cinéphiles ne s’apercevaient de rien.
Les amoureux qui s’embrassaient encore moins.
La
plus grande crainte de Jean était de laisser tomber une
« galette »
au cours d’une manipulation. Dans ce cas, il aurait fallu annuler
la séance pour leur laisser le temps de rembobiner le film, toujours
à la main. Heureusement, ce n’est jamais arrivé.
Le
seul gros incident a eu lieu suite à « un
problème électrique à la centrale à charbon de Harnes »
à laquelle était relié le cinéma Printania.
L’octogénaire,
bientôt nonagénaire, se souvient avoir accepté ce petit boulot à
17 ans d’abord « pour
mettre du beurre dans les épinards ». L’ajusteur
de mécanisation à la fosse 21,
qui faisait partie de la catégorie de salaire la plus basse, voulait
en effet arrondir les fins de mois. Puis il a très vite apprécié
ce job malgré
le bruit, le risque d’incendie et la chaleur dans la cabine de
projection,
en raison des lampes à arc. « Je
plaçais les gens,
se souvient Jean, et
faisais aussi le portier. Pour certains spectacles ou concerts, je
montais aussi les décors. »
Le Harnésien a ainsi assisté, de son balcon personnel, à un récital
d’Édith Piaf.
De cette époque, il ne regrette rien.
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