Dynamo au cinéma...

Au moment où ces lignes seront disponibles sur ce blog, les préparatifs du tournage de la superproduction de Christopher Nolan tourneront à plein régime : costumes, décorateurs, machinistes, choix des figurants...  C'est un énorme Barnum qui va se mettre en branle afin de créer une œuvre cinématographique qui se veut être un hommage aux soldats de cette période, de ce moment de guerre qu'est l'Opération Dynamo. La digue de Dunkerque est annoncée dans la presse comme réquisitionnée et le Kursaal, par la magie des décorateurs sera transformé en usine....
Ce n'est pas la première fois que cet épisode de la Seconde guerre mondiale est un sujet de cinéma, mais c'est la première fois qu'il prend une telle ampleur avec une telle débauche de moyens pour une reconstitution cinématographique parfaite.
Rappel des faits...
S'agit-il d'une défaite ou d'une réussite ? Un Débarquement du 06 juin à l'envers ? Une réussite face au rouleau compresseur nazi ? Le résultat calamiteux sur les troupes franco-anglaises des terribles attaques nazies à partir du 10 mai ? Comment se positionne le commandement anglais par rapport à ce rembarquement ? La hiérarchie militaire française ? Dunkerque, est-ce un miracle ou un ratage ? Un épisode héroïque ou un moment peu glorieux de la tenue de nos armées face à l'Allemagne ? Un acte de bravoure généralisé où on essaie de sauver le maximum d'hommes ou le début d'une cristallisation des rapports franco-britanniques qui aboutira quelques semaines plus tard à l'armistice franco-allemand et à Mers-el-Kébir ?
Il est nécessaire d'être sur ce point le plus neutre possible, tant Dynamo peut encore cristalliser les témoins de l'époque, mais aussi les historiens...
Pour un peu de neutralité et en évitant les partis pris car ce blog n'est pas un blog d'histoire pure, voici :
- Fiche wikipédia de l'Opération Dynamo :  https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Dunkerque
- Un site racontant le grandes lignes de cette opération :  http://historyweb.fr/bataille-de-dunkerque/

Des actions héroïques, de nombreux témoins, de la tension... L'opération Dynamo s'est avéré être un sujet fort pour être traité au cinéma dès les années 50. Cependant peu de films l'évoquent ou sont au cœur du sujet, c'est dire l'attente porté vers la prochaine production... Mais Dynamo ne sera pas traité de la même façon suivant la nationalité du réalisateur et sur ce que cherche à montrer le film... Cet événement - un des très nombreux de l'année 1940 - n'a pas le même impact si vous êtes de ce côté ci de la Manche ou non... Il est aussi victime d'une "hiérarchie" de l'événement de ce début de la guerre, sa place par rapport à la Blitzkrieg, par rapport à la Bataille d'Angleterre, par rapport à l'armistice franco-allemand, à l'arrivée du Maréchal Pétain, aux débuts de la Collaboration ou à l'appel de De Gaulle et à la Résistance... Dynamo est donc un exemple précis de la mémoire, du devoir de mémoire, de ce qu'il nous apprend de la stratégie franco-anglaise lors du déclenchement du conflit et de la tactique Gamelin qui s'avérera un échec complet, la nasse des panzers de Gudérian face à leur formidable succès dans les Ardennes...
C'est aussi tout simplement une opération qui frappe l'imagination : un rembarquement, c'est-à-dire le redéploiement de troupes sur une immense échelle, un vaste terrain, acculé par l'ennemi qui fait pression et avec, pour seul échappatoire possible, la mer et par delà la Manche, l'Angleterre toute proche... Des bateaux qui ne peuvent approcher des côtes, des combats de rues pour gagner la mer, le pilonnage de la Luftwaffe sur les plages ou aucun abri n'est possible... C'est aussi la reddition de milliers de soldats qui n'auront pas réussi à s'enfuir... Et du matériel à n'en plus finir, des centaines de camions, véhicules, chars anglais et français abandonnés dans les rues et sur les plages... De quoi susciter l'imagination en se concentrant sur la véracité des faits... et rien que les faits !

L’œuvre phare de ce côté ci de la Manche a été tourné à Bray-Dunes, à Zuydcoote et sur la plage menant de Malo-les-Bains à la frontière belge. Il s'agit de "Week-end à Zuydcoote" de Henri Verneuil, tourné en 1964 et déjà abondamment évoqué sur ce blog ( http://cinemasdunord.blogspot.fr/search/label/Zuydcoote ). Le film est une adaptation du roman de Robert Merle, témoin de cette opération Dynamo et qui a été fait prisonnier...


Ce film a déjà fait l'objet de nombreuses commémorations à Bray-Dunes. Un excellent ouvrage (une Bible même !!) a été écrit sur le tournage, le souvenir des figurants, la sortie du film et ce qu'il montre de la bataille. On a tous en souvenir le pilonnage des plages ou Belmondo déambulant dans la ville de Zuydcoote et de Bray-Dunes tentant vainement de sauver sa peau et rencontrant au gré de ses déambulations une galerie de personnages interprétés par Marielle, Mondy, Perrier.... Le film est aussi une brillante révélation du talent de Belmondo, sa façon communicative de montrer le cynisme de la guerre et de son personnage, son jeu d'acteur naturel et débonnaire. Emportant le spectateur dans le souffle de cette opération, voir et revoir Week-end à Zuydcoote montre à quel point le cinéma français n'a rien à envier aux productions d'outre-atlantique.

La couverture de l'excellent ouvrage publié à l'occasion du cinquantenaire du film.
Un ouvrage de chevet pour Christopher Nolan ? 


Quelques images de "Week-end à Zuydcoote"


Un peu plus tôt, en 1958 le film "Dunkerque" sort sur les écrans. Réalisation britannique de Leslie Norman, le film d'une durée de plus de deux heures raconte les temps forts de cette opération, essentiellement du point de vue anglais, magnifiant les actions héroïques, les actes de bravoure, le sens du sacrifice. On est alors dans la pleine période de commémorations et de célébrations de la guerre, de glorification des soldats comme dans les autres films de ce genre que sont "La bataille d'Angleterre" sorti en 1969 ou, plus connu, "Le jour le plus long" tourné en 1962. En phase d'héroïsation du geste combattant, avec souvent de nombreux anciens soldats apportant la "caution" réaliste, ce type de films a eu ces grandes heures dans les années 60 avant de tomber dans un semi-oubli dans les années 70 et 80. Le retour du film de guerre pur avec un souci de réalisme exacerbé, une volonté de rendre hommage au soldat de base qui ne cherchait qu'à sauver sa peau viendra avec "Il faut sauver le soldat Rayan" de Steven Spielberg en 1998 et plus ou moins l'ensemble des productions hollywoodiennes post-Rayan. 
Malheureusement, je n'ai pas vu ce film de 1958 (comme de très nombreuses personnes ici je pense, mais c'est très dur de pouvoir visionner de nombreux films tombés dans l'oubli et qui ne passent plus sur le petit écran, et qui sont introuvables en DVD). On soulignera tout de même que le film se nomme "Dunkerque", à l'image du futur film de Christopher Nolan qui, comme souvent d'ailleurs, devrait garder son titre original anglais : "Dunkirk".



Après "Week end à Zuydcoote" et "Dunkerque", l’œuvre phare sur cette épisode sera sans conteste le prochain film de Christopher Nolan... pour l'instant nommé "Dunkirk" (le film a déjà sa fiche wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Dunkirk_%28film%29 )

Qu'attendre du prochain film sur cette opération Dynamo ?
D'abord les moyens qui s'annoncent considérables. La force de frappe d'un budget d'une méga production hollywoodienne est sans aucune mesure comparable au même type de film fait par des moyens hexagonaux. Il est incontestable que les moyens financiers seront perceptibles à l'écran. Quand on connait les principales œuvres de Nolan, on se doute que l'angoisse, l'atmosphère, le choc des armées seront bien visibles : les centaines de bateaux venus à la rescousse (on peut déjà le deviner en voyant la pré-affiche), les myriades d'avions de combat allemands tournoyant dans le ciel,... Pourtant, malgré la richesse graphique de ces films, Nolan n'est pas un apôtre du tout numérique et des effets spéciaux à outrance. Pour lui, l'histoire prime et les effets ne sont là que pour servir le scénario et non pour "épater la galerie" et concourir au film ayant le plus d'effets. A l'étude de son œuvre, la noirceur l'emporte, ses personnages sont tourmentés, constamment en proie aux doutes et à la fatalité, souvent engoncés dans le souvenir d'être disparus. Y aura-t-il un happy end concernant les différents protagonistes de "Dunkirk" ?
Une intéressante synthèse sur le site de France 3 Nord Pas de Calais :  http://france3-regions.francetvinfo.fr/nord-pas-de-calais/nord/dunkerque/christopher-nolan-dunkerque-5-questions-sur-un-tournage-hollywoodien-893909.html

Est-ce que ce sera une réussite ?
Un film de Christopher Nolan assure toujours des retombées importantes. C'est d'abord un cinéaste qui a une patte, un style. Il ne s'agit pas d'un "blockbuster" cash-machine dans la pure tradition des films-mammouths hollywoodiens. C'est parce qu'il est d'origine britannique par sa mère (américain par son père) que Nolan connait cet épisode, vu comme un véritable acte de bravoure outre-Manche. Le hic est peut-être à souligner dans l'absence d'expérience de Nolan dans la reconstitution historique. Il n'a réalisé aucune reconstitution, aucun film historique, uniquement des œuvres de science-fiction, ou se rapprochant de la fantasy avec sa célèbrissime trilogie Dark Knight autour de Batman. L'homme sera-t-il ainsi à la hauteur de la tâche ? On s'attend d'ores et déjà à un débat de passionnés et d'historiens qui disséqueront le film, à la recherche d'incohérences... On connait Nolan pour son goût de l'histoire, son sens de l'intrigue, notamment dans Inception et ses faux semblants, son goût de la surprise. On peut supposer que le film "Dunkirk" sera ainsi loin d'être académique, s'éloignant du "Soldat Rayan", mètre-étalon du film de guerre contemporain...
Fiche wikipédia de Christopher Nolan : https://fr.wikipedia.org/wiki/Christopher_Nolan

Y aura-t-il des retombées pour le territoire ?
Voila le gros challenge qui s'annonce. Comment la ville de Dunkerque, le littoral flamand, le Nord et même la région peuvent-elles rebondir et profiter de cette manne d'un grand film à vocation mondiale ? Comment surfer sur la vague, entretenir le tourisme de mémoire, comment faire venir les touristes, leur raconter Dynamo et la réalité, bref profiter du formidable coup de projecteur que va faire ce type de film qui, pourquoi pas, pourrait même d'ailleurs concourir aux Oscars 2018 (rêvons un peu) ? L'opération Dynamo n'est pas une bataille, une scène de guerre dans laquelle participe les américains. Contrairement au Débarquement de Normandie, à la guerre du Pacifique, les opérations dunkerquoises sont totalement (ou peu) inconnues outre-atlantique. Le pari est là, faire découvrir Dunkerque, le littoral à ceux qui ne le connaissent pas. Promouvoir la façade littoral flamand, montrer les liens qui unissent les deux rives de la Manche et de la Mer du Nord sur ce secteur... Dunkerque sera-elle à la hauteur ? Le petit musée consacré à la bataille saisira-t-il l'aubaine ? En profitera-t-il pour s'ériger en futur lieu de mémoire du film comme Bray-Dunes l'a fait pour le film de Verneuil ?
Le site internet du mémorial du souvenir à Dunkerque : http://www.dynamo-dunkerque.com/

Commentaires

Articles les plus consultés