Le Pax de Etaples, souvenirs d'un spectateur...
Un grand merci à Jean-François Hagneré ! Celui-ci nous propose ses souvenirs des salles de cinéma à Etaples. Natif de cette commune du littoral, célèbre pour son petit port de pêche et porte d'entrée vers le Touquet et Stella-Plage, Jean-François Hagneré est aujourd'hui exilé en Lorraine. Il revient sur sa jeunesse étaploise et notamment ses souvenirs des salles qu'il a connu. Aujourd'hui, premier volet de cette trilogie : le Pax est à l'honneur. Si vous avez aussi des souvenirs de ce(s) cinéma(s), le blog vous accueille et vous publie...
Cinéma
1
Le
Ciné-Pax
Avant
la Seconde guerre mondiale, le centre de la vie cultuelle
d’Etaples-sur-mer se situait place Jeanne d’Arc ( Voir plan des
rues de la ville ). C’était une jolie bâtisse, église
traditionnelle, comme on en voyait un peu partout alors. Le
Nord-Pas-de-Calais fit l’objet de nombreux bombardements, de la
part des Allemands comme des Alliés, la zone littorale de la côte
d’Opale, avec ses ports, offrant des possibilités de débarquement
– Voir opération d’intox « Fortitude », mise au
point en Angleterre.
Au
sortir de la guerre, sur cette côte maritime où, plus que partout
ailleurs sans doute, religion rime avec superstition, il fallait
donc offrir le plus rapidement possible un abri provisoire à Dieu et
à ses fidèles. Des films et des photos d’archives montrent une
population mobilisée en vue de l’édification de sa
« cathédrale ». Elle fit avec les moyens du bord… Je
pense que François, notre père, de retour d’Allemagne ( STO :
Service du Travail Obligatoire), participa un tant soit peu à ces
travaux, dans la limite, comme beaucoup de ces volontaires, de ses
compétences architecturales… En fait, je vois en lui, enfant, un
joyeux et bon petit diable…
Ainsi
fut édifié le… Ciné-Pax, car, en effet, l’on fit d’une
pierre de construction, deux coups : un cinéma et une église.
Le profane et le sacré, tous deux unis dans un même élan
surréaliste… Les affaires du ciné marchaient d’enfer, et les
corbeilles des quêtes résonnaient joyeusement. En effet, à cette
époque, nos parents ignoraient tout de la télé et de son émission
dominicale : Le jour du Seigneur… Ciné le week-end,
donc, et le reste du temps, les messes, les prières… Dieu pouvait
donc faire son cinoche Rue Robert Wyart, sous le toit en demi-lune –
Fibrociment ou tôle, je ne sais plus – de ce « monument ».Après
tout, la religion, avec ses rites, ses déguisements, ses
accessoires, ses intrigues, son côté irrationnel, n’était-ce pas
déjà une superproduction céleste ? C’est en ce lieu
qu’étaient donc célébrés les offices ordinaires, les baptêmes,
les communions, les mariages, les enterrements…
La
configuration des lieux. Sa forme en demi-lune donnait au Ciné-Pax
un air de long tunnel. On y entrait par des portes à petits carreaux
qui ouvraient sur un grand hall. A droite, aux heures de cinéma, une
barrière contenait la file d’attente qui se pressait jusqu’à un
petit guichet… A gauche, les toilettes, signées par les fameux
duettistes « Jacob-Delafon ». Puis, à gauche comme à
droite, un large escalier menant à l’étage supérieur, le balcon,
garni de fauteuils de couleur rouge. Du parapet de ce balcon, on
pouvait, les soirs de ciné, lancer des « épluchures »
de cacahuètes sur les spectateurs du parterre : rigolades et
engueulades garanties… A la porte du ciné, deux Arabes sympas
fournissaient les munitions pour quelques centimes : des paquets
colorés, qui vidés de leur contenu, et gonflés avec l’entrain
d’un trompettiste, « pétaient » joyeusement sous la
pression des paumes de nos mains – O voulez que j’ monte, mi,
o allez voir, bandes d’andouilles !… Revenons dans le
hall : Au fond, un comptoir, histoire de se rincer le gosier à
l’entracte et, de chaque côté, une porte qui débouchait sur la
salle. Quatre longs ensembles de chaises de paille tressée, deux
latérales et deux centrales, plus larges, séparées par une allée
( Les allées, très importantes pour le moment de « la
communion » ou la « bénédiction des corps des
disparus ». Devant les chaises, un muret, surmonté d’un
parapet, délimitant un genre de trou d’orchestre conduisant à la…
crypte. Au-dessus de cela, la scène au plancher de bois, en arrondi,
donnant sur la salle, comme dans un théâtre. Astuce : A
l’heure de la messe, en fond de scène, l’hôtel avec toute sa
quincaillerie : chandeliers, tabernacle, le Livre saint, les
fleurs, etc. Sans oublier, évidemment, la Croix du Christ… A
l’heure du cinéma, des cintres tombait l’écran… C’est qu’il
en a vu de sa croix des films, Jésus, aussi bien le Pont de la
rivière Kwaï, que Le tigre se parfume à la dynamite,
interprété par Roger Hanin, ou Les motards, une de ces
pantalonnades dans lesquelles excellaient Roger Pierre et Jean-Marc
Thibault… Mais dans mon souvenir, c’est Le pont de la rivière
Kwaï qui a fait « péter l’applaudimètre »... Mon
père, qui n’allait jamais au cinéma, nous y emmena… Ce jour-là,
dans la bousculade, des vitres des portes d’entrée furent cassées…
Grosse rigolade garantie : Essayer de faire siffler en chœur le
thème du film, « Hello, le soleil brille, brille, brille…Un
carton musical repris par Annie Cordy… Les péplums, genre Ben
Hur, avaient aussi la cote… Dans l’ombre, au fond de la salle
se planquaient les amours naissantes et se préparait le repeuplement
d’une France saignée par quatre années de guerre, œuvre
rédemptrice à laquelle Etaples a toujours largement contribué…
Goût du sacrifice, devoir patriotique, en somme…
Le
Ciné-Pax accueillait aussi les enfants des écoles pour la
Saint-Nicolas - Vraie fête des gamins dans le Nord ; c’est
alors que le « Saint », flanqué du père Fouettard,
distribuait les jouets. Noël était plus une fête de famille, avec
un côté religieux marqué. Mais de plus en plus de jeunes, au fil
du temps, organisèrent leur propre réveillon ou fréquentèrent des
salles de bals qui, elles, se chargeaient de l’intendance. Ce jour
de Saint-Nicolas nous avions droit à la projection de documentaires
– Je me souviens de l’un d’eux consacré à la police montée
canadienne-, et à la sortie nous étaient offerts une orange et un
paquet de bonbons… C’était alors un vrai bonheur… La
société de consommation était loin d’avoir effectué sa
percée… Jésus avait « chassé les marchands du Temple »…
Au Ciné-Pax, il les attirait comme des mouches et je pense que le
Doyen ne crachait pas sur le bénéfice tiré des entrées… Comme
me l’avait appris le catéchisme : Dieu est partout :
Au ciel, sur la terre et en tous lieux, donc il avait sa place
réservé au Ciné-Pax… Il n’était pas là pour le film, mais
pour nous surveiller…Normal ! Nous restait plus qu’à passer
par le confessionnal : Qu’est-ce que je vais encore pouvoir
raconter… La carte du « menu » sous les yeux :
Non… pas « tuer » ni « voler »…
Menti ?… oui… A qui ?… 1984, George Orwell
avant l’heure… Tous coupables ! Quel fardeau !…
Hagnéré Jean-François ( 21/03/2015 )
Extrait de Kaléidoscope ou Une egothérapie
Canalblog :
Hagnéré jean-françois : Notes discordantes sur l’époque
Texte N° 236
et oui la bel epoque je suis de 62 JAIS VU BEN HUR ATARI LES DIX COMMANDEMENT UNE CHALEUR QUI NOUS MANQUE MAINTENANT ON ALLEZ AUX CINEMA DE 18H A 19H30 ET ON ALLEZ CHEZ CHARLINE CHERCHEZ DU JAMBON
RépondreSupprimerOui une si Belle époque ..
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