Dernier volet des souvenirs d'un spectateur étaplois
Troisième et dernière partie des souvenirs de Jean-François Hagneré , notre étaplois d'origine parti s'installer en Lorraine. Un grand merci à lui de nous avoir confier ses anecdotes...
Cinéma
3
Le
cinéma des Carrières
Pour
terminer ma tournée des grands-ducs dans les cinémas étaplois
(62630) des années 1950-60, je pousse la porte du « cinéma
des Carrières », pour la seule fois où j’y ai mis les
pieds, à l’initiative de mon cousin Jean-Marie. J’ai failli
oublié cette expérience unique dans tous les sens du terme. Elle a
probablement eut lieu un dimanche après-midi, alors que nous
rendions visite en famille aux Ramet : oncle Jean, tante
Marguerite et leurs enfants : Anne-Marie, Daniel, Jean-Marie et
Michel. La séance devait certainement se dérouler vers cinq heures
avec, au programme, un western.
Le
cinéma des carrières se situait dans la rue éponyme, genre de
cul-de-sac. Cette impasse donnait, côté ouvert, sur la rue de
Camiers, la plus longue de la ville, parallèle au quai du port et au
boulevard de l’Impératrice. Lorsqu’on emprunte ce dernier, on
peut, d’un côté, se diriger vers Boulogne-sur-mer, et, de l’autre
côté, vers Montreuil-sur-mer. En fait, on se trouve là en plein
quartier de la marine. D’où vient le nom de cette rue ? Elle
se situe juste à côté du terrain de football de l’A.S.E. –
Association Sportive Etaploise. Au bout du stade Guilluy – Nom
donné en hommage à l’un des médecins de la ville -, derrière
une des cages de but, s’élève une… carrière. En haut de
celle-ci, un mur de protection, derrière lequel se trouve l’avenue
Pasteur. Donc de certaines maisons à étages de cette rue, on peut
voir, gratuitement, le dimanche après-midi, les matches disputés en
contrebas. Cette rue était aussi appelée familièrement « La
loi Loucheur » - 1928-, car nombre de maisons de cette rue ont
été reconstruites après la guerre grâce à cette initiative qui
favorisait la construction d’un habitat populaire…
Jean-Marie
et moi sommes arrivés, cet après-midi là, en retard. C’est donc
dans une presque obscurité que nous avons gagné un balcon.
L’ambiance était déjà « débridée », pas du tout
« Cinéma art et essai », si l’on voit ce que je veux
dire. J’avais l’impression d’être assis sur un banc… Le
grand confort. « Un p’tit jeune homme » - le héros
d’un film de « cow-boy » était appelé le « p’tit
jeune homme ». A la sortie des séances « western »,
rendue à la rue, une armée de « p’tits jeunes hommes »
du quartier qui, une main cravachant la fesse droite, l’autre
main, tenant des rênes imaginaires, partaient au grand galop,
hennissant d’impatience comme une monture fiévreuse… Notre
héros, donc, décimait à coups de fusil, une horde de sauvages
peaux-rouges harcelant une caravane… Cris d’encouragement et de
joie lorsque Hopalong Cassidy faisait mouche… Il me faudra attendre
mon service militaire, lors de la visite d’un navire américain de
retour du Vietnam, pour retrouver, devant la projection d’un film
de ce genre, la même ambiance infantile chez ceux qui avaient
remplacé à ce moment-là les Indiens par des « Viets »…
Séance
de défoulement, donc… Plus tard, la télé proposera :
Rusty et Rintintin, Au nom de la loi ( Jos Randal), La
flèche brisée, etc. La télé sonnera le glas des cinémas de
quartier qui avaient au moins l’avantage de nous sortir de chez
nous…
La
dernière séance – Titre d’une chanson symbolique d’Eddy
Mitchell, grand cinéphile devant l’éternel et occasionnellement
excellent acteur.
Au
fil des années, les cinémas de quartier, espaces de convivialité
ont disparu. Le cinéma est concentré aujourd’hui dans des
« multiplexes », des « Mégakinés » qui
proposent aux amateurs, obligés parfois de parcourir en voiture
nombre de kilomètres pour assister à une séance, une dizaine de
films pour des villes moyennes et plus encore dans des grandes cités.
C’est la démesure totale. Les « américonneries »
continuent de dominer le marché, en particulier les dénommés
« Blockbusters » - Dans les années 1950et 1960, on
aurait appelé cela : « péplums », en fait
« grosses productions », du type « Ben Hur ».
Le cinéma français se défend comme il peut… La publicité a pris
une importance démesurée, les médias jouant parfois eux-mêmes les
investisseurs dans la production, ce qui nous garantit, c’est
certain, une impartialité sans faille dans la présentation des
« chefs d’œuvre », forcément chefs d’œuvre comme
aurait dit la Duras des pâquerettes…. Dans ces cinés géants, les
grandes salles sont destinées aux œuvres susceptibles de faire un
carton… Attention aux « Nanars » ! Pour les autres
pellicules, plus confidentielles, les amateurs ont droit à des
salles exiguës, équipées d’une sono d’enfer – boules Quies
conseillées - et où les yeux, pour visualiser l’image, doivent
faire le tour de l’écran jusqu’au dixième rang, faute de
profondeur de champ… Dans le hall, les « esquimaux »
d’antan sont supplantés par le Coca-cola et les cornets géants de
pop-corn… Les films en 3D ont fini par percer, surtout côté
dessins animés pour les enfants – engorgement des sorties sur le
marché au moment des vacances scolaires. Lunettes noires
obligatoires sur le pif… Quelques pépites, mais aussi beaucoup de
n’importe quoi… mais en 3D. La nostalgie est encore ce qu’elle
étai côté ciné…
Hagnéré Jean-françois ( 05/04/2015)
Extrait de Kaléidoscope ou Une egothérapie
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