Jean Poher, dernier exploitant du Rex d'Armentières

Alors que le nouveau cinéma d'Armentières sort lentement de terre, la Voix du Nord nous propose un portrait de l'ancien exploitant du dernier cinéma de la ville, le Rex, qui a fermé ses portes en

Voici l'article de Catherine Quételard :

Jean Poher : une vie de cinéma ! Son père gérait, en banlieue parisienne, trois salles qu'il a reprises à 20 ans avant de migrer à Armentières où il a dirigé le Rex, de 1960 jusqu'en 1995. Deux ans plus tard, la salle fermait. Il se souvient de l'âge d'or du cinéma à Armentières.

Les cinémas avaient pour nom Gloria, Palace ou Rex. À Armentières, on avait inauguré le Rex en 1936 avec Golgotha . Cette année-là, Jean Poher avait deux ans et vivait à Treil, en banlieue parisienne, où son père, ingénieur électricien de formation, exploitait trois salles de cinéma. Vingt ans plus tard, bac en poche, il prend le relais paternel avant de racheter le Rex armentiérois, le fonds de commerce d'abord, en 1960, puis l'immeuble en 1968. Avant lui, Melle Eva - et son long fume-cigarette - tenait la salle armentiéroise qui abritait au sous-sol une salle de jeu.
Jean Poher devient « le Mr du Rex » qu'il gère avec son épouse, Janine, à la caisse. Les placeurs, en costumes offerts par le tailleur Boidin tout proche, avaient fière allure dans leur tenue rouge de groom puis dans une autre, bleue, avec des épaulettes dorées et une casquette. À l'entracte, ils proposaient esquimaux ou sachets de cacahuètes. Le dimanche après-midi, les internes de l'École nationale professionnelle (maintenant Gustave-Eiffel) formaient un gros contingent réservé de 150 places. Beaucoup d'habitués tenaient à leur place attitrée au balcon. « On s'habillait pour venir au cinéma », rappelle le directeur ; des Belges venaient cravatés. Le Rex était plus select que le Casino, une autre salle plus populaire, rue Deceuninck, et plus généraliste que le Central, rue Kennedy, qui s'en tenait à une cote morale stricte. Quant au prix, « c'était donné ! (1,20 franc) ».
Le quartier était animé avec l'usine textile Beaudeux (lieu du futur cinéma), la chambre patronale, en face du Rex, les restaurants dont le réputé Comte d'Egmont, en face de la gare. Boulangerie et tabac avaient leur clientèle. Et le cinéma participait à l'animation, le week-end, avec un nocturne le samedi, et la séance du mercredi après-midi.



Si, dans les années 60, le public ne regardait pas trop la programmation pour venir, les temps ont changé à la décennie suivante. Il a fallu offrir des sorties nationales. La salle de jeu, avec baby-foot et flippers, exploitée jusqu'en 1975, cède la place à une seconde salle (200 places) qui s'ajoute à la première (850 places). En 1980, « on a fermé le balcon » pour créer une troisième salle. En 1986, le couple acquiert la maison voisine qu'elle transforme en deux autres salles (150 places chacune). « Cinq salles, c'est bien », estime Jean Poher qui avait évalué, selon l'étude de marché, la clientèle potentielle à 90 000 habitants avec les environs. Ainsi il pouvait rivaliser «  avec Lille et Paris », offrant les films à leur sortie nationale. Tous les lundis, les résultats d'entrées étaient communiqués.
La Grande Vadrouille, quinze jours à l'écran ! L'exception. « Un ciné-club était animé par une association  », une fois par mois. « On s'est maintenu à 150 000 entrées par an » mais à partir de 1990, les chiffres chutent ; il vend le Rex à la mairie et une société d'économie mixte est créée. Quand il prend sa retraite en 1995, le cinéma n'a plus que deux ans à vivre, victime du Kinépolis. Même si Gabin, Delon ou Belmondo restent ses acteurs fétiches, il a vu Le Monde merveilleux d'Oz et ira au nouveau cinéma, en attendant que la façade de son Rex retrouve une apparence digne de son passé. Vendu au promoteur lillois P. Boulanger, le lieu doit abriter des appartements.

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