Une statue pour Victor Planchon à Boulogne / Mer


Le magazine gratuit "Echo62" distribué dans toutes les boites aux lettres des habitants du département propose dans son dernier numéro de février 2013 un bel article hommage consacré au boulonnais Victor Planchon à l'occasion de l'inauguration de sa statue dans le célèbre port de pêche. Rappelons brièvement que cet industriel travaillait en étroite collaboration avec les frères Lumière afin de leur proposer la pellicule souple dont la production était jusqu'alors uniquement aux mains de l'américain Eastman. Planchon est le premier européen à produire cet élément essentiel pour l'invention du cinématographe Lumière et ce sont dans ses ateliers à Boulogne, dans le quartier de Capécure qu'il met au point et produit la pellicule. 

Voici l'intégralité de l'article de "Echo62", un excellent article de Bernard Queste ainsi que la photo de cette statue, également issue de ce magazine... : 

Dans le milieu du cinéma, Planchon, c’est Roger, regretté acteur, cinéaste et homme de théâtre. Mais ici, c’est Victor Planchon que nous allons évoquer. Un inventeur de génie qui aurait eu toute sa place dans le dossier sur le made in Pas-de-Calais, en pages centrales de ce journal. Combien savent, y compris les Boulonnais, que dans ses ateliers installés au cœur de Capécure, rue de Constantine, Victor Planchon fut à l’origine du plan-film puis de la pellicule souple, une avancée technologique qui a séduit les frères Lumière et permis le développement du septième art.

À l’occasion du centenaire du cinéma, en 1995, Frédéric Debussche, animateur du service Architecture et patrimoine de la ville de Boulogne-sur-Mer, avait planché sur le cas de cet inventeur. Parisien de naissance, il était arrivé dans la ville dès 1887, à l’âge de 24 ans, en qualité de directeur du laboratoire départemental de contrôle du port, après un passage à celui des Contributions indirectes d’Arras. En 2009, l’ouvrage Victor Planchon, artisan et industriel du cinématographe a été publié par un collectif d’historiens et de passionnés. Dans le même temps, l’idée d’ériger une statue en l’honneur de Victor Planchon, initiée par Jacky Lebas, conseiller municipal, directeur du cinéma les Stars et fervent défenseur du septième art, était retenue par la municipalité. Depuis la mi-décembre 2012, la statue en bronze et inox conçue par l’artiste boulonnaise Sylvie Koechlin a été installée à proximité de l’espace Lumière, en bordure de la rue Nationale. Sa plus proche voisine n’est autre que Marilyn Monroe, icône du cinéma, elle aussi immortalisée par l’artiste.
Mais revenons à Victor Planchon « un inventeur de génie à qui le cinéma doit beaucoup » selon les spécialistes. Cet ancien élève de l’école Lavoisier à Paris, qui dans sa jeunesse désespérait sa mère en réalisant des expériences dans sa chambre, a très tôt développé une activité de fabrication de plaques de verre photographiques pour son usage personnel et pour quelques amis. Alors que de l’autre côté de l’Atlantique Georges Eastman mettait au point sa pellicule photo (Kodak), Victor Planchon n’était pas en reste puisque ses recherches portaient sur le remplacement des plaques de verre au gélatino-bromure par un support souple. Son choix se porta sur la pellicule auto-tendue à bordure métallique fine brevetée en 1890. Il s’agissait ni plus ni moins que de l’invention du plan-film, encore utilisé aujourd’hui dans la photographie argentique de grand format.
Mise au pointUne découverte que l’entreprenant Victor Planchon a mis en fabrication industrielle en créant sa petite usine dans la zone de Capécure, rue de Constantine. La renommée grandissante de ses plans-films dans le milieu de la photographie est rapidement parvenue jusqu’aux frères Lumière qui avaient de leur côté mis au point une émulsion de grande qualité pour laquelle ils cherchaient un support fiable. Après avoir sollicité Planchon pour apposer cette émulsion sur les fameux plans-films, Auguste et Louis Lumière lui demandèrent en 1894 de réfléchir à une bande pelliculaire pour améliorer le principe du kinétoscope d’Edison permettant de reproduire les images en mouvement. Plusieurs mois de recherche et de nombreux essais ont été nécessaires pour la mise au point de la pellicule cinématograhique, obtenue après de nombreux échanges de courriers et allers-retours entre le modeste atelier de Boulogne et la ville de Lyon, siège de la société Lumière. En décembre 1895, enfin, Louis Lumière évoquait dans un courrier une pellicule proche de la perfection : « les clichés qu’elle nous a permis d’obtenir avec notre cinématographe sont d’une transparence splendide, et bien supérieurs aux pellicules que nous avons eues jusqu’ici à notre disposition. L’émulsion est pure, intense, rapide ».
Le cinéma était né. Et Victor Planchon y avait pris une part très active pendant son séjour dans le Pas-de-Calais, à Boulogne-sur-Mer particulièrement.
L’année suivante, en 1896, afin de développer l’activité de son entreprise, il partait à Lyon ouvrir une nouvelle usine où il lança aussi la fabrication de matériel photographique (marque Plavik notamment), de soie artificielle et de bien d’autres produits de son invention, lui qui a déposé pas moins d’une quarantaine de brevets tant en France qu’à l’étranger.
Des Boulonnais au premier rangEn visionnaires et fins communicants, avant d’en lancer la commercialisation, les frères Lumière avaient souhaité présenter leur cinématographe dans de nombreuses grandes villes un peu partout dans le monde. C’est ainsi que le 8 mars 1896, au cirque Rancy, installé sur la place Frédéric-Sauvage, a eu lieu à Boulogne-sur-Mer la sixième projection cinématographique publique et payante au monde.
Après Paris, Lyon, Londres, Bor-deaux et Bruxelles, avant Madrid, Bombay, Saint-Pétersbourg, New-York, les privilégiés présents ont quasiment vu en avant-première de petits films tels que L’arrivée d’un train en gare de La Ciotat, La sortie des usines Lumière, L’arroseur arrosé, Le déjeuner de bébé… Avant la séance, ils ont aussi assisté à une conférence de Victor Planchon où il traitait notamment de la photographie en couleur et des rayons X, fidèle à sa réputation d’homme de science, de chercheur infatigable.

Bernard Queste Photo Jérôme Pouille 
L'Écho du Pas-de-Calais n°131
février 2013


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