1962 : Intervilles dans le Nord !

Il y a de cela 60 ans, les possesseurs de postes de télévision découvraient une émission phare du petit écran : Intervilles qui, rappelons le pour les plus jeunes, proposaient une série de défis plus ou moins sportifs, une saine compétition bon enfant, entre deux villes, un mélange de jeux ressemblant à "La tête et les jambes". Celle-ci existe depuis 1960.
Interville... Un jeu télé d'été qui marquera des générations... Du temps glorieux ou les français n'avaient qu'une seule chaîne de télé, cette émission a nécessairement marqué les esprits. Il faut se souvenir qu'à l'époque, c'est un évènement ! Déplacer les techniciens, mettre en place les jeux, faire venir les caméras, un véritable cirque en direct alors que la France se couvre à peine de râteaux. on raconte même que des postes de télé se positionnent dans les rues pour faire partager ce moment conviviale avec le voisinage ! 
Pour cette première émission retransmise le 19 juillet, Guy Lux veut marquer les esprits et, faire rencontrer des villes proches dans des derbys. Pour le Nord de la France, il propose une rencontre entre les communes de Saint-Amand-les Eaux et Armentières. Léon Zitrone est à St-Amand alors que Guy Lux a choisi Armentières. St-Amand se présente alors comme la capitale mondiale du rhumatisme, on le voit très bien sur les images. Malheureusement cette première confrontation est introuvable sur youtube ou le site de l'INA qui proposent, par contre, la finale de cette même année 1962 : St-Amand contre Dax, avec la victoire de cette dernière, 13 points à 11. La vidéo est facilement trouvable. En voici un lien : http://www.ina.fr/divertissement/humour/video/CPF86644025/intervilles-62-saint-amand-les-eaux-contre-dax.fr.html
Revenons au derby. Les premières minutes de cette toute nouvelle émission montre les géants du nord, Bimbin de Valenciennes, Cafougnette de Denain, venus saluer les parisiens de l'équipe de tournage et les téléspectateurs. Combien sont-ils devant leur petit écran ce jour pour voir le tout premier Intervilles ? A plusieurs dizaines de kilomètres de là, sur la place du Général de Gaulle à Armentières, les majorettes s'échauffent. 5000 personnes sont sur la place. La mayonnaise de l'émission prend rapidement. Léon Zitrone fait même du vélo pour se rendre d'une épreuve à une autre : "Allez Léon", crie la foule. Dans ses souvenirs, Léon Zitrone raconte que cette première était "un festival d'erreurs. Nous débordâmes allègrement le temps imparti."
Plus que la ville de St-Amand et son patrimoine, c'est d'abord un homme que découvre le téléspectateur lambda : Georges Donnez, plus connu sous le sobriquet de Jojo, premier ch'ti vedette du petit écran ! Né en juin 1922, décédé en avril 2001, Jojo est alors le maire de la ville depuis 1953. Il restera le premier édile jusqu'en 1995. C'est avec la dernière épreuve face à Armentières que Jojo va acquérir un statut national puisque l'édile n'hésite pas à donner de sa personne dans l'épreuve des pénaltys-tirs aux buts : les maires des deux communes s'affrontent : Gérard Haesebroeck d'Armentières face à Georges Donnez ! Ce dernier tombe la veste, la chemise et le pantalon : il entre en scène en footballeur ! L'amandinois fait un remarquable quasi sans faute, soulève l'enthousiasme de la foule et donne la victoire finale à sa ville face à Armentières, lui permettant d'accéder ensuite à la finale contre Dax. Le mythe Jojo est né, notamment grâce à sa faconde, son ton et ses réflexions, un Raimu du Nord. Que l'on se remette dans le contexte de l'époque : voir le maire d'une commune de moyenne importance comme Saint-Amand mouiller le maillot au ballon, se montrer ainsi devant les caméras est une nouveauté. Le notable - Donnez est également avocat - est alors une personne respectable et respecté, malgré le diminutif de Jojo. Ce dernier parle à Guy Lux, "L'homme de la télé, le parisien, comme à un ami et le téléspectateur lyonnais, breton ou alsacien, découvre alors un homme du Nord avec son franc parler et sa gouaille qui n'est pas caricatural (quoique...). De plus, Donnez utilise pleinement le petit écran pour montrer qu'il est proche des gens, permettant ainsi une future réélection jusque 1995 ! Jojo restera dans les annales de l'émission et on le retrouvera souvent dans les bêtisiers car Saint-Amand participera à de nombreuses reprises à Intervilles.
Celle-ci met également à l'honneur des produits locaux et les images typiques du Nord, s'appuyant sur les représentations qu'ont alors les gens de la région. Il y a ainsi une épreuve tournant autour du Paris-Roubaix (quand on y réfléchit 30 secondes, aucun rapport avec la ville thermale du Nord !). Par contre, il y a aussi une épreuve tournant autour du carillon de St-Amand. un jeu de dés rappellera aussi le casino de la ville.
D'autres villes du Nord et du Pas-de-Calais s'affronteront pendant les presque 40 ans, diffusés à intervalles très irréguliers et avec des présentateurs variés, que va durer l'émission. Citons Bergues qui affrontera l'inévitable St-Amand en 2008, Arras, Boulogne-sur-Mer qui affronte Saint-Omer en 1970 : Zitrone et Claude Savarit sont à Saint-Omer alors que Guy Lux et Simone Garnier sont à Boulogne écrasé par un score de 8 à 0 en faveur de la capitale audomaroise. Ce résultat permet alors à Saint-Omer de participer à la finale qui a lieu le 23 septembre face à Bayonne. Alors que Guy Lux est en direct de la Place Foch de Saint-Omer, c'est la ville du sud qui gagne de justesse 3 à 12. D'autres villes jouent encore :  Cambrai, Douai, Dunkerque, Le Touquet, Liévin,  Maubeuge, Roubaix. Mais malgré toutes ces villes du Nord et du Pas-de-Calais, pour l'opinion publique nationale, Intervilles, dans le Nord, c'est Saint-Amand-les-Eaux.. En hommage à l'émission qui l'a rendu célèbre dans la France entière, il existe une avenue d'Intervilles à St-Amand ! Par sa popularité, Intervilles montre à la population française les villes du Nord par des petits "spots" placés dans l'émission : "pour la première fois, raconte Pierre Lazareff dans France-Soir, la France se retrouve en bras de chemise, en direct et a le droit de dire tout ce qu'elle veut." Témoignage glorieux de la France des Trente glorieuses, l'émission est aussi celle des provinces. Bien avant le JT de Jean-Pierre Pernaud, on veut montrer alors la France des petites villes et des petites gens qui essaient, par la solidarité, de faire gagner la ville, un esprit de clocher alors que domine sur les écrans des films de ce genre, pensons à la série des Don Camillo avec Fernandel. Intervilles a montré ainsi à une France du Sud, une autre vision de la France du Nord... Et avec Jojo, le Nord possède une de ses premières stars télévisuels. Le supplément de La voix du Nord sur une grande rétrospective du siècle dernier dans un hors série, raconte que le maire de Saint-Amand recevait jusqu'à 200 lettres d'encouragements par jour. Une carte postale arrivera même à destination avec la seule mention d'adresse "Jojo". Ce dernier a su habilement tiré profit du pouvoir fascinant des images animées sur le petit écran, nouveau média montrant le monde et la France, jusqu'au coeur des foyers...

Vous avez des souvenirs de ces émissions ? Vous y avez participé ?Contactez moi
Vous avez vu un reportage consacré à la région à la télévision, vous avez un avis à donner, contactez moi !

Commentaires

Articles les plus consultés