Les films ayant pour cadre le bassin minier et la région avant la première guerre mondiale

Pour l'ensemble de la population française, et malheureusement encore de nos jours, le Nord évoque la mine, les terrils, les usines et les thèmes qui en découlent (misère de la vie quotidienne, pénibilité du travail, injustice sociale...). Parmi les premiers cinéastes de la Belle Epoque, certains vontre être attirés par ces images fortes et y puiser des sujets de films. Ceux-ci vont, soit magnifier le travail des mineurs pour les réhabiliter au sein de la société, soit accentuer le misérabilisme de la vie des corons. Cette vie, ainsi que les conditions de travail et les revendications du monde ouvrier, vont être le vivier de thèmes cinématographiques. Mais à cette époque là, le nord-Pas-de-Calais propose aussi d'autres sujets n'ayant aucun rapport avec le bassin minier. Ce sont par exemple, des thèmes historiques qui retiennent l'attention des premiers réalisateurs.
- Les films sociaux
A partir de 1905, le cinéma va s'intéresser aux problèmes sociaux portant ainsi à l'écran des "scènes de la vie réelle". Un nouveau genre apprait et le public va apprécier de voir défiler sur l'écran des aspects de ce qui l'entourent. Le réalisme littéraire règne sur le roman et le théâtre français. Les "tableaux" du cinématographe sont également touchés par cette école. Deux thèmes sont présents pour notre région : les problèmes personnels face à la société et les difficultés liés au monde du travail.
Parmi les problèmes personnels, le traitement de l'alcoolisme est celui qui a les faveurs du public, notamment depuis "L'Assomoir" de Zola en 1877. L'un des premiers succès du réalisateur fétiche de la Maison Pathé, Ferdinand Zecca, est une libre adaptation de l'oeuvre de Zola, intitulée pour le cinéma :"Les victimes de l'alcoolisme". Cette fiction, largement diffusée, tente de faire prendre conscience des drames provoqués par le fléau de l'alcool. En septembre 1912, le cinéma Omnia de Lens propose une autre production Pathé intitulée "L'alcool funeste", d'une durée de vingt minutes.
Les firmes proposent également des vues mettant en scène le monde du travail et les agitations syndicales. Cette lutte ressemble à de la propagande. On brocarde les meneurs sans toutefois ridiculiser les ouvriers, spectateurs assidus du cinéma. Seuls quelques films magnifient la lutte entre capital et travail. Ainsi, le fécond Zecca tourne en 1903 "La Grève" qu'il définit comme étant un film prolétarien. Même si elles mettent en scène le quotidien des gens du Nord, on ne sait, pour l'instant, si ces vues furent proposées dans les premières salles de cinéma du "Pays Noir".
- Les films miniers
Deux vues vont mettre en scène le cadre de vie des mineurs. En 1905, suite à "La Grève", le responsable de la production Pathé, Zecca, demande à Lucien Nonguet de tourner "Au Pays Noir", une scène revendicatrice se déroulant dans le Nord et s'inspirant très librement de "Germinal". José Chellé, dans son ouvrage "Juste sous les nuages" raconte ce film : "Huit tableaux qui décrivent une évolution dramatique depuis la description de la vie dans les corons jusqu'au coup de grisou, en passant par la description de l'entrée de la mine, la descente au fond du puit et la visite des galeries qui, plus tard, seront envahies par les eaux". Nonguet et Zecca portent une attention particulière aux décors, ce qui donne au film un aspect d'actualité reconstituée, d'autant plus que la grande catastrophe minière de Courrières qui intervient en mars 1906 relance l'exploitation du film. Certains gérants peu scrupuleux utilisent cette vue et la font passer pour une véritable actualité alors que d'autres la présentent comme un documentaire, telle la tournée du Splendid American Cinéma en octobre 1906 à Douai. Une carte postale de la page 109 de l'ouvrage de Blaise Aurora consacré aux débuts du cinéma en Lorraine montre un champs de foire avec un cinéma forain proposant comme film-vedette "La catastrophe de Courrières", assurément le film "Au Pays Noir". Courrières et sa catastrophe inspire également un autre film intitulé "Au pays des ténèbres" tourné par Victorin Jasset. S'intéressant peu aux conditions de vie et aux revendications des mineurs de l'époque, la vue conte une intrigue amoureuse qui se conclut par une catastrophe spectaculaire. A noter que ce film donne la responsabilité de la catastrophe à la négligence des ouvriers. Même si le Pays Noir y est présenté comme une région où le travail pénible asservit l'homme et ou celui-ci est incapable de dominer ses instincts, ces vues ont toutefois le mérite d'effleurer le lyrisme qui se cache derrière la fumée des industries.
- Les films historiques
Un autre thème ayant pour cadre la région est développé dans des sujets cinématographiques. Il s'agit de scènes évoquant l'histoire régionale ou alors des personnages importants qui y sont nés. Le premier événement qui inspire les producteurs est le siège de Calaiseffectué par les anglais en 1347 et qui aboutit au célèbre épisode des bourgeois se sacrifiant pour épargner la ville. C'est en 1910 que Henri Andréani tourne pour Pathé "Le siège de Calais". Malgrè les décors et une mise en scène théâtrale typique de l'époque, le film, d'une durée d'une heure est présenté comme un chef d'oeuvre. Ainsi le Journal de Lens évoque la présentation de ce film au cinéma Pathé de Lens : "C'est parait-il un chef d'oeuvre de mise en scène qui a coûté à la compagnie Pathé plus de trente mille francs et comporte une figuration de deux mille personnes et de deux cent chevaux". "Le Siège de Calais" est sur l'écran lensois début février 1912. Natif d'Arras et grande figure révolutionnaire, Robespierre a droit aussi aux honneurs cinématographiques de la Belle Epoque. Dès 1897, il existe une production Lumière nommée "La Mort de Robespierre". Il apparait également en 1911 dans"Camille Desmoulins" de André Calmettes et de Henri Poctal. Cette vue est présentée lors de la réouverture de l'Auto-Cinéma Bernard à Hénin-Liétard en décembre 1911. Autre film en 1912 : "La fin de Robespierre" par Albert Capellani.

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