Les premières projections à Hénin-Beaumont

Voici le premier article d'une série consacrée à l'histoire des salles de cinéma à Hénin-Beaumont.

C'est le 28 décembre 1895 qu'eut lieu, au Salon Indien situé sur les grands boulevards parisiens, qu'eut lieu la première représentation payante du Cinématographe Lumière. Cependant, il a fallu attendre près de deux ans pour que la première projection se fasse à Hénin-Liétard (ancien nom d'Hénin-Beaumont). En effet, c'est le 26 décembre 1897 que Le Journal d'Hénin-Liétard annonce la présence depuis quelques jours d'un cinématographe ambulant. Ce dernier était déjà présent auparavant à la foire Sainte-Barbe de Lens. L'article du journal local héninois s'enflamme sur « les choses merveilleuses » que projettent l'appareil. D'après le journal, vendu chaque samedi au prix de 5 centimes, les habitants d'Hénin connaissent déjà le cinéma, en mentionnant « cette invention qui depuis quelques mois révolutionne le monde entier ».
Bien avant cette première cinématographique, la société héninoise est habituée à la projection d'images sur un mur grâce au procédé de la lanterne magique qui égayait les conférences populaires proposées souvent par l'Instruction publique lors de veillées éducatives. Ces conférences, sous l'égide de professeurs sont des invitatons à la connaissance, exaltant également les valeurs patriotiques en proposant comme sujets la guerre de 1870, le général Faidherbe,... Pour illsutrer leur propos, les conférenciers ont compris que l'image est un formidable vecteur d'éducation. Aussi, ils utilisent le procédé de lanterne magique, inventé au XVIIème siècle par Athanase Kircher, et popularisé tout au long du XIXème siècle. Devant les yeux émerveillés des auditeurs défilait une série de vues. Aussi, lorsque le cinéma fit son apparition à l'aube du nouveau siècle, une partie de la société minière avait déjà pris l'habitude de fixer un écran. Par exemple, le 2 janvier 1898, le journal local relate une conférence sur l'alliance franco-russe, sujet patriotique s'il en est, qui se déroule dans la salle du patronage avec plus de deux cents spectateurs : « Pendant que le conférencier parlait, un appareil oxy-éthérique d'un pouvoir lumineux de six cents bougies projetait sur un écran les scènes évoquées. On a aperçu le Président Félix Faure et l'empereur Nicolas II se donnant l'accolade à l'heure des adieux ».
En cette fin d'année 1897, ce furent tout d'abord les écoliers qui profitèrent des premières projections le vendredi. Puis, le lendemain soir, à vingt heures, ce furent au tour des héninois, des mineurs et des marchands du centre de se presser pour admirer le cinématographe installé dans le salon Augustin Froissart. La feuille héninoise indique trois prix de place : 30, 50 centimes et 1 franc. Le programme de cette soirée reposait sur une succession de films assez courts, de « tableaux merveilleux de clarté, de précision, de vérité » comme le note, en des termes élogieux, proches de la réclame, l'hebdomadaire héninois. Il est malheureusement impossible de connaître la nature exacte des films projetés. Ces premières vues cinématographiques à Hénin sont l'œuvre de Henri Joly. Celui-ci travaillait en collaboration avec Charles Pathé pour construire les premièrs appareils cinématographiques s'inspirant des premiers kinetoscopes américains inventés par Edison mais qui avait le désavantage de n'être vu que par une seule personne à la fois. Se brouillant avec Pathé pour des problèmes d'argent, Joly continua seul ses recherches. Manquant de moyens, il chercha seulement à perfectionner le Cinématographe Lumière. Il est à noter que d'après l'hebdomadaire, il s'agirait de Henri Joly lui-même qui présentait son invention à la population. Mais ce fait paraît peu évident. Tout d'abord parce qu'il paraît peu probable qu'un inventeur se déplace pour présenter lui-même ses inventions. Ce fait n'est d'ailleurs pas mentionné dans les biographies consacrées à Joly. Et ensuite, parce que les héninois ne connaissant pas son visage, un bateleur pouvait aisément se faire passer pour l'ex-collaborateur de Charles Pathé.
Après s'être éclipsé pendant près d'un an, le cinématographe revient à Hénin-Liétard. C'est en effet le dimanche 4 décembre 1898 que Le Journal d'Hénin-Liétard annonce l'arrivée d'un cinématographe pour le soir même au théâtre, aujourd'hui disparu mais construit à la fin de l'année 1896, rue Napoléon Demarquette. Le rédacteur de l'article se plaint du manque de séances de cinématographie à Hénin. Celle-ci lui apparaît donc comme exceptionnelle. Elle se déroule en une heure et demie et présente quarante tableaux qui « donnent l'illusion complète de la vie ». Il s'agit très certainement de films Lumière, seuls à proposer à cette époque un vase catalogue de vues. Pour cette séance, dont l'opérateur est M. Norbert, le prix des places est identique à la projection Joly.
A peine un mois et demie après cette seconde projection, on annonce à Hénin qu'une séance de cinématographe va avoir lieu le dimanche 22 janvier 1899 dans la salle du patronage, l'actuelle salle paroissiale Saint-Paul située rue Montpencher. Elle est effectuée par « le Révérend Père Le Bail, licencié ès-sciences physiques ». L'Eglise a joué un rôle certain en utilisant à la fin du siècle dernier, d'abord le procédé des images fixes à la lanterne magique, puis le cinématographe, pour permettre une meilleure éducation religieuse alors que la déchristianisation gagnait du terrain. La présence de l'opérateur est soulignée par le compte-rendu que fait le journal héninois de cette soirée. L'auteur souligne que, tel un bateleur de foire, la Père Le Bail « accompagnait chaque projection ou chaque scène de cinématographie d'explications tour à tour scientifiques ou humoristiques. » Cette séance, qui semble avoir duré une heure, a été divisée en deux parties : des projections fixes grâce à la lanterne et en second lieu du cinéma. Les projections fixes sont une suite d'images concernant Lourdes et son pèlerinage. La seconde partie du programme est cette fois orientée vers l'image en mouvement. Il s'agit essentiellement de vues Lumière comme le montrent les titres : « Un déjeuner en famille », « une bataille à coup d'oreillers » et surtout la fameuse « arrivée d'un train en gare ». Le Révérend Père Le Bail propose treize petits films, dont l'un emmenait les héninois aux chutes du Niagara....
Mais après avoir touché Hénin-Liétard ponctuellement, le spectacle cinématographique va prendre la forme d'une attraction foraine qui va devenir rapidement le clou de la foire.... Ce sera l'objet d'un prochain article.

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